Lundi 11 décembre
Nous descendons (un peu trop) tôt pour le petit déjeuner dans une semi-pénombre et au son d’une musique douce d’eau et de chants d’oiseaux. Vers 6h 30, tout se met en place et nous pouvons manger tranquillement. Hélène est là, c’est la dernière fois que nous la voyons avant son retour en France.
Puis le bus nous conduit à la gare d’Agra. Le train pour Jhansi est à l’heure. Sur le quai, des enfants viennent quémander quelques pièces. C’est la première fois depuis notre arrivée en Inde. Nos porteurs ont saisi les valises pour les placer aisément sur leur tête comme s’il s’agissait de plumes. Et nous qui avions du mal à les soulever !
Dans le train, on sert des plateaux, mais on vient juste de manger. Bavardage et paysage : carrières de sable, étendues d’eau, culture du maïs ou de la canne à sucre. Scènes amusantes de voyageurs endormis…
À l’arrivée, des porteurs récupèrent nos valises : l’un d’eux en a mis deux sur sa tête, et c’est pourtant un petit homme malingre…
Nous voici donc à Jhansi. Notre nouveau bus est confortable, mais on a moins de place pour ranger nos affaires. En route pour Orchha, Sandeep nous raconte l’histoire de “la reine de Jhansi”. Lakshmibai, rani de Jhansi, est une grande figure de la révolte des Cipayes de 1857 contre le Raj britannique. Hugh Rose, le commandant des forces anglaises, exigea la reddition de la ville, ce que la rani refusa. Pendant le siège, elle a défendu le fort avec énergie. La tradition raconte qu’après avis du conseil de résistance, elle réussit à s’enfuir en sautant de nuit avec son cheval par-dessus les murailles, son fils attaché sur son dos, afin de rejoindre d’autres groupes de résistants aux Anglais.
Elle participa à la bataille de Gwalior où elle trouva la mort âgée seulement de 29 ans. Dans son rapport officiel de cette bataille, Hugh Rose qualifie ainsi la rani de Jhansi : “intelligente et belle, mais le plus dangereux de tous les chefs indiens”. Elle est naturellement vénérée dans le pays.
Puis Sandeep nous présente la ville d’Orchha où nous allons résider. C’est la capitale des rajahs Bundela.
Nous voici arrivés à l‘hôtel Orchha Palace. Cet hôtel est, on peut le dire, divinement décoré. Vous en voulez la preuve ? Ici, les chambres sont réparties dans plusieurs blocs, chacun consacré à un dieu différent. C’est ainsi que nous avons dormi sous la protection de Krishna, jeune bouvier à la peau bleue jouant de la flûte au bord d’un ruisseau en compagnie d’un paon, tandis que d’autres clients de l’hôtel pouvaient rêver de la tête d’éléphant du dieu Ganesh.
Après le déjeuner à l’hôtel, où un mariage se préparait dans le jardin…
…nous avons visité le Rajah Mahal.
Au premier regard, c’est un haut bâtiment imposant sur la façade duquel subsistent des traces de céramiques bleues et vertes. Nous admirons au passage un Diwan-i-Am aux colonnes blanches et au plafond peint.
La deuxième cour est entourée de bâtiments à cinq étages surmontés de kiosques ou pavillons selon un plan assez compliqué. Les salles sont parées de fresques magnifiques (qui demanderaient à être restaurées) représentant des personnages royaux dans leurs occupations quotidiennes ou les dieux Rama, Krishna ou Ganesh.
Tout à côté, s’élève le “palais qui n’a servi qu’une fois“. Notre guide nous a expliqué que le maharajah Bir Singh Deo l’avait fait construire au début du XVII° siècle pour héberger l’empereur moghol Jahangir (et son escorte) chaque fois qu’il passerait dans la région. Or, il n’y passa qu’une fois et le palais ne fut plus jamais utilisé depuis !…
Deux éléphants de pierre encadrent la porte qui ouvre sur la cour intérieure.
Ce palais, le palais de Jahangir, entoure une cour carrée et chaque angle est surmonté d’une tour à clocheton. On voit d’ailleurs une multitude de petits kiosques tout autour des murailles du palais. Nous avons disposé d’un bon moment pour grimper, en dominant son vertige, les escaliers étroits qui mènent au chemin de ronde, visiter les salles, vides évidemment, et admirer de là-haut le paysage parsemé de monuments en ruine éparpillés dans des jardins abandonnés, parmi lesquels d’anciennes écuries à chameaux ou des demeures de notables d’autrefois.
Après quoi, le bus nous a conduits jusqu’aux cénotaphes des maharajahs Bundela. L’endroit est isolé, mais les mausolées sont cernés de jolis jardins bien entretenus. Nous avons seulement regardé l’extérieur. Les vautours se sont emparés du lieu, y ont construit leurs nids et le vol de ces rapaces est bien le seul élément de vie dans cet étrange cimetière.
L’après-midi s’est terminé par une balade à pied au bord de la rivière Betwa presque à sec. Puis un petit marché local a attiré notre attention et mené jusqu’à la place du village. De là, nous apercevons les deux palais que nous avons visités dans l’après-midi.
Pour ceux qui ne parlent pas anglais, je traduis : “Conduisez lentement. Attention aux enfants, aux chiens et aux vaches“.
Sur la place assez animée, quelques commerces et le temple à Rama, jaune et orange comme un gâteau à la crème.
Ce temple a une histoire. Une rani déposa dans son palais une statue du dieu Rama en attendant la construction du temple qui lui était destiné. Or il fut alors impossible de déplacer la statue, car le dieu avait précisé que la statue devrait rester dans le premier lieu où elle serait posée. Le palais devint donc de fait un temple et de nombreux pèlerins s’y rendent. Cet après-midi, un mariage venait d’y être célébré et la mariée nous a semblé bien triste !
Le soir, avant le dîner, nous assistons au mariage fêté à l’hôtel : c’est bruyant, joyeux, musical, coloré. Le marié sur sa petite jument blanche n’avait pas l’air très à l’aise. Le cortège s’est ébranlé sous le crépitement des pétards et des feux de Bengale. Et nous avons eu droit à une boisson offerte par la famille.
Nous sommes alors partis dîner selon un menu concocté par Bertrand.
Demain départ à 9h. Nous aurons enfin une grasse matinée, même si dès l’aube le temple voisin nous prodigue à profusion sa lancinante mélodie…
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