Dimanche 10 décembre
Le Baby Taj
Après la visite du Taj Mahal, qui nous a tous éblouis, nous sommes partis, le cœur encore tout remué, vers le Baby Taj.
En bonne logique, le Baby Taj aurait dû être visité avant le Taj blanc, car il a été construit quelques années auparavant pour le grand-père de Mumtaz-i-Mahal. Cet homme d’origine persane s’appelait Ghiyas Beg et était ministre du Grand Moghol Jahangir qui lui accorda le titre envié de Itimad-ud-Daulah, c’est-à-dire “Pilier de l’État”. Sa fille Nur Jahan, la tante de Mumtaz, épousa Jahangir pour qui elle fit édifier un tombeau à Lahore, dans la province du Cachemire où il aimait résider. C’est encore elle qui fit construire pour son père dans le même style un mausolée qui peut être considéré comme un précurseur du Taj blanc : 4 rivières en croix découpant quatre jardins, utilisation du marbre blanc, décor selon la technique de la pietra dura, paravents finement ciselés appelés jalis.
D’où son nom de Baby Taj.
Mais le choix d’inverser les visites était en réalité fort judicieux, car il a permis de bénéficier de la lumière douce du matin et d’un moindre afflux de touristes pour la visite du Taj blanc.
Le Baby Taj s’élève sur la rive gauche de la Yamuna, à quelques centaines de mètres du Taj Mahal. Le long de l’allée qui mène au portail d’entrée, de grands panneaux explicatifs récapitulent l’évolution et les styles des mausolées, dômes et jalis au fil des ans.
Ce portail en grès rouge est décoré d’incrustations de marbre à la manière d’une marqueterie. Nous remontons alors une allée encadrée de jardins.
Le mausolée, posé sur un socle de grès rouge, est conçu selon un plan carré, chaque angle étant fermé par un minaret à base octogonale assez massif. Le rez-de chaussée est protégé par un encorbellement. Et les façades de marbre blanc incrusté de pierres semi-précieuses évoquent de loin de la dentelle.
Sur le toit en terrasse, un pavillon est recouvert d’un dôme et entouré de claires-voies.
À l’intérieur, les murs et le plafond sont recouverts de panneaux de marbre incrustés et de peintures (fleurs et fruits ou vases et gobelets à boire).
L’Itmad-ud-Daulah et son épouse reposent au rez-de-chaussée dans deux sarcophages tout simples. Et à travers les jalis nous pouvons discerner le portail d’entrée.
De la terrasse, on surplombe la Yamuna, et l’œil se plaît à contempler la vie qu’elle accueille : des gamins jouent dans l’eau et tentent d’attraper ce que je crois être une couleuvre d’eau, des buffles se reposent ou se désaltèrent, des lavandières étendent leur linge fraîchement lavé, au soleil sur l’herbe. On dirait l’étal d’un fleuriste, c’est très joli !
Et tout là-haut, sur le toit, un rapace surveille les alentours.
Après le repas, indien comme à l’accoutumée, nous sommes allés visiter le Fort Rouge.
Le Fort Rouge
L’empereur moghol Akbar décida de faire d’Agra sa capitale en 1558, et, sur les ruines d’un vieux fort, il fit construire un palais pour son fils Jahangir. Le monument en grès rouge du Rajasthan se trouve sur la rive droite de la Yamuna, dans une courbe de la rivière à proximité du Taj Mahal. Jahangir et Shah Jahan le modifieront plus tard. Il est depuis 1983 inscrit au Patrimoine Mondial de l’UNESCO.
Entouré d’une épaisse muraille renforcée de bastions, c’est une forteresse militaire munie de quatre portes. Nous entrons par la Porte d’Amar Singh, au bout d’un pont. Puis nous passons une série de portes massives parfois encadrée de tours et remontons une rampe à éléphants.
Nous voici à présent devant la façade rouge du Palais de Jahangir, qui donne sur un beau jardin. Devant le portail d’entrée, on peut voir sa baignoire en pierre.
L’intérieur du palais, tout rouge également, présente des sculptures semblables à celles des temples jains.
Plus loin, nous arrivons dans le Palais privé ou Khas Mahal, en marbre blanc flanqué de pavillons au toit doré. C’était la demeure de l’empereur.
À sa gauche, voici le beau Sheesh Mahal (palais des Miroirs), aux murs incrustés de brisures de miroirs, d’où son nom.
Bien sûr, notre attention est retenue par la tour octogonale, la Musamman Burj, appartement de Mumtaz-Mahal, puis prison dorée de Shah Jahan pendant les huit années où son fils Aurangzeb le retint enfermé, et d’où il pouvait contempler le Taj Mahal où reposait sa femme bien-aimée. Tout à côté, se trouve une petite pièce joliment décorée où une cascade coulant le long d’un écran de marbre rafraîchissait l’atmosphère les jours d’été.
Après avoir traversé le beau jardin entouré d’appartements sur deux étages…
…nous passons devant la tombe du lieutenant-gouverneur de province John Colvin, curieusement placée à cet endroit. (Ce Britannique mourut ici pendant la Révolte des Cipayes).
Notre visite se termine devant le Diwan-i-Am, dont les colonnes blanches sont en fait en grès recouvert de stuc. Là, l’empereur recevait les demandes de ses sujets et des petites pièces à colonnes permettaient aux femmes d’assister aux audiences sans être vues.
De là, on a une jolie vue sur la mosquée des Perles.
En quittant le Fort Rouge, Bertrand et Sandeep nous ont fait la surprise d’une visite à un bijoutier dont le musée privé est une vraie merveille. Il contient
les œuvres de monsieur Sham, un naturaliste-brodeur au talent exceptionnel.
Il a réalisé, en-dehors des travaux destinés à être vendus, des chefs-d’œuvre fabuleux pour son simple plaisir. Il a su représenter avec seulement du coton et de la soie toutes sortes d’animaux en relief, plus vrais que nature, dans des décors naturels magnifiques : chevaux en pleine course, oiseaux se posant sur l’eau ou perchés sur une branche, lions poursuivant des gazelles, panthères capturant des perdrix. On sent les muscles rouler sous la peau, on est frappé par la vitesse ou la férocité des félins en chasse !… Le dernier tableau représentant Le Bon Pasteur lui a demandé 18 ans de travail !
Ces peintures à l’aiguille sont de grande taille, souvent agrémentées de joyaux véritables et de fils d’or en résille. Évidemment, ces œuvres sont sous étroite surveillance, dans une salle dont l’éclairage doux, la température et le degré d’hygrométrie permettent leur parfaite conservation. Le résultat est tout simplement incroyable. Nous sommes restés muets de stupeur. Notre seul regret : interdiction absolue de prendre le moindre cliché !
À la sortie, on nous a évidemment proposé d’acheter des bijoux, sans succès, car très au-delà de nos possibilités financières…. Nous avons toutefois amplement remercié le propriétaire de nous faire partager la vue de ses trésors, réservée d’ordinaire à quelques privilégiés.
Le soir fut riche en émotions : nous avons dit au revoir à nos chauffeurs en leur remettant la traditionnelle enveloppe, nous avons fêté les 29 ans de mariage de deux de nos amis voyageurs et nous avons dit au revoir à Hélène qui rentrera en France dès demain.
Le soir, repas délicieux de la région de Pechawar.
Demain justement, nous prendrons le train vers Jhansi.
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À suivre : Palais et cénotaphes d’Orchha